Déduction TVA selon l’affectation réelle

 In TVA

Résumé

      I.            Principe

  1. L’administration souhaite un cadastre des droits à déduction pour les assujettis mixtes et/ou partiels qui n’exercent pas un droit total à déduction de la TVA.
  2. Les assujettis mixtes effectuent des opérations exemptées de TVA selon les article 44 ou 44bis, CTVA et également des opérations soumises à la TVA. Leur droit à déduction n’est pas de 100% et ils peuvent utiliser, moyen des formalités, une des deux méthodes décrites aux articles 46 à 49, CTVA et à l’AR n°3, CTVA. C’est le cas typique d’un assujetti qui tient un commerce quelconque assujetti et qui loue une partie de ses locaux professionnels selon un contrat de bail d’habitation privée. Les revenus de l’activité seront soumis à la TVA tandis que les loyers perçus seront exemptés.

L’assujetti mixte peut déduire la TVA selon la méthode de l’affectation réelle avec un prorata spécial ou selon la méthode du prorata général.

Un autre exemple fréquent est une librairie ou un débit de boissons qui reçoit des commissions sur les loterie, les jeux des clients, etc., ont intérêt à bien déclarer qu’ils sont des assujettis mixtes en affection réelle avec un prorata spécial de déduction pour les frais comme l’énergie, l’entretien, etc.

  1. Un assujetti partiel réalise des opérations non économiques, hors du champ de la TVA, parce que, par exemple, il reçoit des donations ou libéralités, des subsides de fonctionnement, des dividendes. Il effectue aussi des opérations qui rendent la TVA exigible. Son droit à déduction sera dans la plupart des hypothèse limité aux opérations soumises à la TVA.

Par exemple, une association réalise un évènement annuel. Elle vend des tickets d’entrée et du catering soumis à la TVA et en parallèle reçoit d’une autorité un subside de fonctionnement. Elle devra vérifier si ce subside est lié au prix pour soit le rejeter du dénominateur du prorata de déduction, soit considérée que le subside est TVA incluse et donc ne pas être un assujetti partiel mais bien un assujetti total.

La matière des assujettis partiel est relativement complexe car un examen minutieux des conventions et détails des produits reçus est absolument nécessaire. Ne négligez pas cet aspect.

  1. Un assujetti peut aussi etre mixte et partiel en réalisant à la fois des opérations hors champs, dans le champ et exemptées.

  II.            Formalités

  1. Les assujettis mixtes et/ou partiels qui désirent poursuivre l’exercice du droit à déduction de la TVA selon l’affectation réelle doivent déposer au plus tard le 30 juin 2024 (malgré le fait que la déclaration périodique soit à déposer pour le 20 juillet, reportée au 10 août en lien avec les vacances ou 31 juillet pour les assujettis en restitution) les données qui permettent d’établir le droit à déduction de la TVA pour l’année 2023.
  2. Le non-respect de cette obligation entraînera un rejet provisoire du droit à déduction en affectation réelle pour l’année 2023.
  3. Les assujettis en régime d’affectation réelle avaient déjà dû confirmer, pour le 30 juin 2023, qu’ils souhaitaient bénéficier ou continuer à bénéficier de la déduction selon l’affectation réelle.
  4. Les règles de l’affectation réelle deviennent plus formelles :
    • notification préalable (via le formulaire E604A (nouvel assujetti) ou E604B (assujetti existant au 01/01/23));
    • informations détaillées dans la déclaration périodique TVA;
    • introduction de délais stricts
  1. La notification préalable doit être introduite avant la fin de la 1ère période de déclaration de l’année en cours ou de la 1ère période de déclaration qui suit le commencement ou le changement de l’activité.
  2. La notification prend effet au 1er janvier de l’année civile en cours ou à partir du premier jour de la période de déclaration suivant le commencement ou le changement de l’activité

Attention, les nouveaux assujettis qui ne sollicitent pas l’affectation réelle ne pourront plus modifier leur régime de déduction pour le passé.

  1. La méthode de l’affectation réelle doit être utilisées au minimum pendant trois années civiles complètes.

Ensuite l’assujetti peut utiliser ou revenir à la méthode du prorata général moyennant une notification préalable qui ne prend effet que le 1er janvier de l’année qui suit.

III.            Informations à communiquer

  1. L’assujetti mixte doit communiquer via Intervat les informations détaillées sur les modalités d’exercice du droit à déduction de la TVA, selon le prorata général ou en affectation réelle.
  2. Ces informations concernent aussi le calcul du prorata général de l’année précédente et, pour l’affectation réelle, les prorata spéciaux de déductions issus des coûts affectés aux différents départements de l’entreprise.
  3. Ces informations détaillées sur les modalités d’exercice du droit à déduction de la TVA en affectation réelle concerne la répartition :
    • des charges pour lesquels la TVA est intégralement déduite (100%);
    • des charges pour lesquels la TVA n’est pas du tout déduite (0%);
    • des charges pour lesquels la TVA est déduite selon un ou plusieurs proratas spéciaux, en précisant ces proratas (X%)

(art. 18bis, par. 2, AR n° 3, CTVA)

Lors de l’encodage en comptabilité durant l’année il est recommandé de bien utiliser les codes TVA du logiciel pour ne pas devoir retravailler les achats en fin d’année !

  1. L’assujetti communique, dans un nouveau champ dénommé « PRORATA » ajouté à la déclaration périodique TVA sur Intervat, pour l’ANNEE civile précédente, la proportion, exprimée en pour cent, des charges qui :
    • ont été exclusivement affectés au(x) secteur(s) d’exploitation dont les opérations ouvrent droit à déduction intégrale de la taxe (100%);
    • ont été exclusivement affectés au(x) secteur(s) d’exploitation dont les opérations n’ouvrent pas droit à déduction de la taxe (0%);
    • ont été simultanément affectés à plusieurs types de secteurs d’exploitation; pour cette catégorie, il convient également de communiquer le prorata spécial qui s’applique à ces opérations mixtes.
  2. L’assujetti en régime de déduction selon l’affectation réelle avec un % variable pour les frais mixtes de la troisième catégorie remplit un champ qui comporte plusieurs grilles dans lesquelles il est possible d’introduire jusqu’à cinq proratas spéciaux.

L’assujetti indique également lorsqu’ applique plus de cinq proratas spéciaux. Dans ce cas, un document distinct à joindre à la déclaration TVA devra être téléchargé, car aucune grille supplémentaire n’apparaît pour les proratas spéciaux supplémentaires.

  1. Le pourcentage est repris sans décimale, arrondi à l’unité supérieure (39,16% = 40%).

IV.            Exemple de tableau

  1. Voici un exemple simplifié de tableau à devoir réaliser ou tenir pour remplir les nouvelles conditions de déduction de la TVA chez les assujettis mixtes et/ou partiels :

  V.            Exemple concret

Exposé des faits

  1. Une ASBL exploite un hôtel ainsi qu’un terrain qui sert d’espace dédié à accueillir les sportifs. Ils peuvent y camper, utiliser les terrains de sport, la plaine de jeux, etc. L’accès à certaines activités, comme la plaine de jeu, est gratuit.
  2. L’ASBL recevait des subsides de fonctionnement destinés spécifiquement à financer ses activités gratuites.
  3. L’association est donc un assujetti partiel étant donné que certaines de ses activités sont accessibles sans paiement, gratuites. La notion d’opération visée par la TVA nécessite qu’elle soit réalisée à titre onéreux (art. 2, al. 1er CTVA). Ne pas confondre les opérations sans but de lucre avec les activités sans but onéreux, gratuites.
  4. Lors d’un contrôle TVA, l’Administration a considéré que l’association devait appliquer pour la déduction de la TVA sur ses charges selon un prorata spécial de déduction étant donné ces activités gratuites.
  5. Ce prorata spécial a été simplement déterminé par l’administration en reprenant au numérateur le chiffre d’affaires des opérations soumises à la TVA due et au dénominateur l’entièreté du chiffre d’affaires, en ce compris le subside reçu de l’autorité pour financer ces activités gratuites.
  6. Il va sans dire que l’association avec son expert-comptable (c’est toujours lui qui est le fautif, c’est connu) avait exercé un droit intégral de déduction de la TVA sur les achats.

Décisions judiciaires

  1. En justice, tant le Tribunal que la Cour d’appel d’Antwerpen donne raison à l’administration.
  2. Selon la Cour d’appel, à l’analyse des conventions, il existe un lien direct entre le subside reçu et la mise à disposition des installation pour les activités gratuites. Ce financement représente une valorisation pour l’association sans contrepartie quantifiable car il se peut que personne n’utilise ces installations gratuites. Aucun droit à déduction ne peut donc être exercé et le dénominateur du prorata a été correctement déterminé par l’administration en incluant ce subside.
  3. L’association et son avocat, qui est sûr de gagner, introduit un pourvoi en cassation qui est aussi rejeté.
  4. La Cour de cassation reprend simplement les principes issus de la directive TVA (DTVA) qui n’impose aucune méthode aux Etats membres pour régenter le droit à déduction des assujettis partiels (Cass., 19 juin 2014, F.12.0082).
  5. La Cour rappelle que seuls les articles 173 à 175, DTVA indiquent comment le doit à déduction s’applique aux assujettis mixtes et ces méthodes ne concernent pas les assujettis partiels (CJUE C-496/1, 6 septembre 2012, Portugal Telecom).
  6. La méthode de droit à déduction de la TVA pour les assujettis partiels dépend de chaque état membre qui doit néanmoins respecter les principes du système commun TVA, comme celui de la neutralité fiscale.
  7. Ce principe implique que le droit à déduction de la TVA ne s’effectue que, proportionnellement, aux opérations pour lesquelles une TVA due a été portée en compte.
  8. L’association avait défendu en justice, à titre subsidiaire, le principe du droit à déduction de la TVA sur une proportion entre les activités économiques (dans le champ de la TVA) et les activités non économiques (hors champ de la TVA) at que ce principe était déterminé de manière objective. Ainsi, selon l’’ASBL, les charges dépensées sont à imputer à chacune de ces deux activités (CJCE C-437/06, 13 mars 2008, Securenta).
  9. La Cour de cassation ne retient pas cette demande et juge que la déduction de la TVA par un assujetti partiel qui reçoit des subsides pour les activités hors champ, financées entièrement par ces subsides, est à déterminer selon un prorata spécial dont le numérateur reprend les recettes totales qui sont soumises à la TVA et dont le dénominateur reprend le chiffre d’affaires total, subsides compris, comme le demande l’administration.

Conclusions

  1. Le cas visé pour cette ASBL concerne un assujetti partiel avec des opérations gratuites hors champ de la TVA.
  2. Ce n’est pas toujours le cas et lorsque toutes les activités d’un assujetti sont soumis à la TVA, les subsides encaissés n’ont aucune influence sur son entier droit à déduction (CJCE C-204/03, 10 octobre 2005, Commission c/ Espagne). C’est aussi le cas pour un assujetti mixte qui déduit la TVA selon la règle de l’affectation réelle et qui encaisse des subsides liés aux opérations pour lesquelles la TVA est due (CJCE C-25/11, 16 février 2012, Varzim Sol).
  3. L’article 174, par. 1er, al. 2, DTVA autorise les Etats membres à prendre en compte le montant des subsides pour déterminer l’étendue du droit à déduction TVA dans le prorata des assujettis mixtes. Cependant la Belgique n’a pas transposé cette règle en droit interne et elle ne peut donc pas être appliquée (QR Sénat, 1999-2000, n° 2-18, p. 825). En Belgique, les subsides doivent donc rester en tout cas en dehors du calcul du prorata général (SDA 800.396, 22 septembre 2009 et 2011.132, 23 août 2011).
  4. La réponse est plus complexe pour les subsides de fonctionnement. Doivent-ils être inclus dans le dénominateur ? L’arrêt de cassation ne règle pas ce problème et une analyse précise des conventions, décrets, arrêtés ou ordonnance d’octroi de subside s’impose. Il est nécessaire, pour la déduction de la TVA de tenir compte du principe de neutralité et l’administration l’admet (Circ. n°24/2007 (E.T. 113.252) du 29 août 2007, n° 37 et suiv).
  5. Il importe également de tenir compte de l’affectation des charges de l’activité non économique hors champ, plutôt que du seul montant des subsides comme l’enseigne la Cour de justice (CJCE C-77/01, 29 avril 2004, EDM c. Fazenda Publica).

VI.            Résumé des délais (sauf tolérance de prolongations)

Affectation réelle Avec effet rétroactif Avec effet postérieur Début modification
Administration peut imposer NON OUI 1er janvier N+1
Administration peut refuser OUI OUI 1er janvier N+/-2
Assujetti peut imposer NON OUI 1er janvier N+1
Méthode utilisée par l’assujetti au 1er janvier 2023 NON Confirmation E604B avant 1/7/2023
Informations détaillées D625 OUI OUI 1er janvier 2023
Révision prorata général & spécial OUI Devient % provisoire D625
31 mars N+1
Abandon affectation réelle & retour à la méthode du prorata général NON OUI 1er janvier N+1 si 3 années accomplies

 

Jean Pierre RIQUET

Juriste fiscaliste

16 mars 2024

 

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