Comment procéder quand un client ne paie pas vos honoraires ?

 In Profession

Comment agir contre une facture de faible montant impayée ?

La gestion des créances des clients peut être un vrai casse tête, surtout lorsque les montants sont relativement faibles et qu’un avocat et un huissier sont nécessaires.

Pour les factures faibles montants, par exemple en dessous de mille cinq cents euros, si votre client réside en Belgique, il est utile d’utiliser la procédure d’injonction à payer, aussi dénommée 3 x 15, ou le recouvrement extrajudiciaire des dettes d’argent non contestées.

Chaque procédure comporte six étapes et la durée est équivalente.

 

1. Procédure sommaire d’injonction à payer

La procédure d’injonction à payer concerne toute créance en argent (pas en nature), liquide et exigible, inférieure à 1.860 EUR (B2B) et 5.000 EUR (B2C). La seule condition est d’être en possession d’un écrit du contrat signé entre les parties, de la commande, de la mission signée par le débiteur (client). Cet écrit ne doit pas nécessairement constituer une reconnaissance de dette. La procédure est visée par les articles 1338 à 1344 du Code judiciaire.

La procédure commence par un envoi au débiteur, par l’entreprise créancière, au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception, une sommation de payer qui indique qu’à défaut de paiement endéans le délai de quinze jours (minimum que vous devez accorder) sur le compte n° .. le recouvrement de la créance sera porté devant la justice de paix. La reproduction des articles 1338 à 1344 du Code judiciaire doit être reprise dans le texte de l’injonction sommaire à payer.

 Art. 1338. Toute demande de la compétence du juge de paix, tendant au paiement d’une dette liquide qui a pour objet une somme d’argent dont le montant n’excède pas 1.860 EUR, peut être introduite, instruite et jugée conformément aux dispositions du présent chapitre, si elle paraît justifiée devant lui par un écrit émanant du débiteur.
L’écrit qui sert de fondement à la demande ne doit pas nécessairement constituer une reconnaissance de dette.
Ces dispositions s’appliquent également à toute demande de la compétence du tribunal de l’entreprise lorsqu’il connaît des contestations visées à l’article 573, quel que soit le montant de la demande.
Ces dispositions s’appliquent également à toute demande de la compétence du tribunal de police lorsqu’il connaît des contestations visées à l’article 601bis.
Art. 1339. La requête est précédée d’une sommation de payer soit signifiée au débiteur par exploit d’huissier, soit adressée par lettre recommandée à la poste avec accuse de réception.
La lettre ou l’exploit doit contenir, outre la reproduction des articles du présent chapitre, la mise en demeure d’avoir à payer dans les quinze jours de l’envoi de la lettre ou de la signification, le montant réclamé et l’indication du juge qui, à défaut par le débiteur d’avoir fait ce paiement, sera saisi de la demande.
Le tout à peine de nullité.
Art. 1340.Dans les quinze jours qui suivent l’expiration du délai prévu à l’article 1339, la demande est adressée au juge par requête en double exemplaire contenant:
  1° l’indication des jour, mois et an;
  2° les nom, prénom et domicile du requérant, ainsi que, le cas échéant, son numéro de registre national ou numéro d’entreprise et les nom, prénom, domicile et qualité de ses représentants légaux;
  3° l’objet de la demande et l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que du fondement de celle-ci ;
  4° la désignation du juge qui doit en connaître;
  5° la signature de l’avocat de la partie.
  S’il l’estime opportun, le requérant indique les motifs pour lesquels il s’oppose à l’octroi de délais de grâce.
Sont annexés à la requête :
  1° la photocopie de l’écrit qui sert de fondement à la demande;
  2° soit l’exploit, soit la copie de la lettre recommandée à laquelle est joint l’accusé de réception, soit l’original de cette lettre auquel sont joints la preuve du refus de réception ou de la non réclamation à la poste et un certificat établissant que le débiteur est inscrit à l’adresse indiquée sur les registres de la population.
Art. 1341. La requête est déposée au greffe, visée à sa date par le greffier et inscrite dans un registre tenu à cette fin. Elle est versée au dossier de la procédure ainsi que, le cas échéant, toute communication adressée au juge par le débiteur.
Elle peut aussi être adressée sous pli par l’avocat au greffier.
Art. 1342. Dans les quinze jours du dépôt de la requête; le juge accueille celle-ci ou la rejette par une ordonnance rendue en chambre du conseil. Il peut y faire droit partiellement. Il peut également accorder des délais de grâce ainsi qu’il est dit au chapitre XIV du présent livre.
Copie de l’ordonnance est envoyée, par simple lettre, à l’avocat du requérant.
Art. 1343. § 1. Lorsque le juge fait droit à la requête, en tout ou en partie, son ordonnance a les effets d’un jugement par défaut.
    • 2. A peine de nullité, l’acte de signification de cette ordonnance contient, outre une copie de la requête, l’indication du délai dans lequel le débiteur peut former opposition, du juge devant lequel celle-ci doit être portée ainsi que des formes selon lesquelles elle doit être faite.
Sous la même sanction, l’acte de signification avertit le débiteur qu’à défaut de recours dans le délai indiqué, il pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées.
    • 3. L’ordonnance d’injonction de payer est susceptible d’opposition ou d’appel de la part du débiteur, conformément aux dispositions des titres II et III du livre III de la présente partie.
Par dérogation à l’article 1047, l’opposition peut être formée par requête déposée au greffe de la juridiction en autant d’exemplaires qu’il y a de parties en cause et d’avocats, et notifiée par le greffier, sous pli judiciaire, au créancier et à son avocat.
A peine de nullité, la requête contient :
  1° l’indication des jours, mois et an;
  2° les noms, prénom et domicile de l’opposant et, le cas échéant, son numéro de registre national ou numéro d’entreprise;
  3° les nom, prénom et domicile du créancier et l’indication du nom de l’avocat de celui-ci;
  4° la détermination de l’ordonnance entreprise;
  5° les moyens de l’opposant.
  Les parties sont convoquées par le greffier à comparaître à l’audience fixée par le juge.
    • 4. Si la requête prévue à l’article 1340 est rejetée, la demande peut être introduite par la voie ordinaire.
L’ordonnance qui y fait droit partiellement conformément à l’article 1342, premier alinéa, n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel de la part du requérant, sauf pour celui-ci à ne pas signifier l’ordonnance et à introduire la demande pour le tout par la voie ordinaire.
Art. 1344. Les règles énoncées au présent chapitre ne sont applicables que si le débiteur a son domicile où sa résidence en Belgique.

Ensuite, obligatoirement votre avocat, dans un délai de quinze jours après la fin du délai de paiement accordé (souvent également quinze jours) introduit une requête devant le juge de paix territorialement compétent.

Cette requête, déposée ou adressée au greffe, doit comporter les éléments suivants à peine de nullité :

  • adressée en double exemplaire au juge de paix;
  • datée et signée par l’avocat;
  • reprendre l’identité du créancier demandeur avec son numéro national et numéro d’entreprise;
  • indiquer l’objet précis de la requête accompagné de la justification des sommes dues (vous ne devez pas envoyer les pièces justificatives de la créance comme la facture, juste la copie de l’injonction à payer expédiée par recommandé avec accusé de réception);
  • indiquer le cas échéant pourquoi, en qualité de créancier, vous vous opposez à voir le juge de paix accorder des termes et délais au débiteur ;
  • indiquer expressément le juge de paix compétent.

Le Juge de paix doit prendre position dans les quinze jours :

  • soit votre demande est acceptée (certains pays utilise une procédure automatisée – ce n’est pas encore le cas de la Belgique) le juge de paix rend une ordonnance que vous pourrez faire exécuter par un huissier de justice, dans un délai de six mois, afin de récupérer votre créance ;
  • soit le juge estime que la demande est partiellement fondée et il vous invite à accepter ou à refuser sa proposition dans un délai déterminé ;
  • soit votre demande est rejetée, par exemple manifestement non fondée, incomplète, erronée ou irrecevable, vous pouvez introduire une procédure de réexamen (demande corrigée) ou, dans les trente jours, interjeter appel (ou d’introduire selon le cas une opposition) devant le juge de l’entreprise.

Le débiteur a aussi des droits.

Après expiration du délai d’opposition, il peut demander le réexamen de l’injonction de payer devant le même juge de paix dans les deux cas suivants  :

  1. la notification de l’injonction de payer n’est pas intervenue en temps utile pour permettre au débiteur de préparer sa défense, sans qu’il y ait faute de sa part ;
  2. le débiteur a été empêché de contester la créance pour cause de force majeure ou en raison de circonstances extraordinaires, sans qu’il y ait faute de sa part.

Un réexamen pour « autres circonstances exceptionnelles » ne peut être accepté si le motif invoqué par le débiteur aurait pu l’être dans le cadre d’une opposition (CJUE, 22 octobre 2015, C-245/14, Thomas Cook Belgium NV c. Thurner hotel GmbH).

Dans chacun des deux cas le débiteur doit agir promptement.

La procédure d’injonction à payer est un recouvrement extrajudiciaire des dettes d’argent non contestées, issue du Règlement européen n° 1896/2006, est en vigueur depuis le 2 juillet 2016.

L’avantage non négligeable de cette procédure d’injonction de payer est la rapidité. Elle est identique dans les trois régions du pays et elle se déroule sans audience, exclusivement par écrit. Son délai maximum peut être de 3 x 15 jours.

Résumé

  1. L’entreprise créancière expédie l’injonction à payer au débiteur client
  2. Attendre 15 jours
  3. Sans réaction l’avocat introduit dans les 15 jours la requête au juge de paix
  4. Le juge de paix a 15 jours pour rendre une ordonnance
  5. L’huissier signifie l’ordonnance
  6. En l’absence de paiement l’huissier procède à l’exécution (commandement, saisies)

 

2. Recouvrement extrajudiciaire des dettes d’argent non contestées

Il existe également une procédure encore plus simple qui coûte cependant un peu plus cher car outre l’intervention d’un avocat celle de l’huissier est obligatoire en début et fin de la procédure.

C’est le recouvrement extrajudiciaire des dettes d’argent liquides et non contestées, visé par les articles 1394/20 et suivants du Code judiciaire (CJ).

Cette procédure ne concerne que les dettes entre entreprises (B2B) dont les parties sont immatriculées actives à la Banque carrefour des entreprises sans être une autorité publique, une entreprise en état de faillite, sous une réorganisation judiciaire, un règlement collectif de dettes et d’autres formes de concours légal.

Par contre le montant de la dette n’est plus limité.

Contrairement à la procédure d’injonction à payer, il n’est pas nécessaire de produire un écrit émanant du débiteur (contrat, commande, mission).

Cette procédure est confiée à l’huissier de justice qui est mandaté par l’avocat du créancier. L’avocat intervient comme premier filtre «l’avocat est le premier juge » pour éviter des actions délictueuses de certains créanciers mal intentionnés.

L’huissier adressera d’abord au débiteur une sommation officielle. Elle reprendra aussi les frais du recouvrement de la créance à concurrence de 10 % au maximum du montant principal de la créance qui comprend les intérêts et l’éventuelle clause pénale.

Ensuite, durant un mois, le débiteur a la possibilité, selon les formes de l’article 1394/22 CJ, de contester la dette réclamée par l’huissier ou de lui solliciter des termes et délais.

Sans réaction dans le mois, l’huissier dresse un procès-verbal de non-contestation qui aura une force exécutoire, sans être passé devant le juge.

En réalité, le procès-verbal est rendu exécutoire sur requête de l’huissier de justice par un magistrat du Comité de gestion et de surveillance du FCA (fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession, de règlement collectif de dettes et de protêt).

Ce procès-verbal validé par le magistrat devient identique à un jugement en votre faveur. La formule exécutoire y est reprise :

« Nous, PHILIPPE, Roi des Belges,
A tous, présents et à venir, faisons savoir :
Mandons et ordonnons à tous huissiers de justice, à ce requis de mettre le présent arrêt, jugement, ordonnance, mandat ou acte à exécution ;
A Nos procureurs généraux et Nos procureurs du Roi près les tribunaux de première instance, d’y tenir la main, et à tous commandants et officiers de la force publique d’y prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis ;
En foi de quoi le présent arrêt, jugement, ordonnance, mandat ou acte a été signé et scellé du sceau de la cour, du tribunal ou du notaire ».

Attention cependant que l’exécution du procès-verbal de non contestation peut cependant encore être suspendue à l’initiative du débiteur, si ce dernier souhaite encore soumettre l’affaire à l’avis du tribunal (justice de paix ou de l’entreprise).

Résumé

  1. Un avocat est consulté qui vérifie si la procédure peut s’appliquer, si les conditions sont réunies ;
  2. L’avocat envoie au huissier une demande pour entamer la procédure ;
  3. L’huissier adresse au débiteur une sommation officielle de payer ;
  4. Sans réaction dans le mois, l’huissier dresse un procès-verbal de non-contestation ;
  5. L’huissier demande au magistrat du FCA de rendre le procès-verbal exécutoire ;
  6. En l’absence de paiement l’huissier procède à l’exécution (commandement, saisies)

 

3. Et quel est le coût à débourser pour ces deux procédures  ?

L’intervention d’un avocat et de l’huissier est obligatoire.

Vous épargnez un peu car il n’existe pas de droit de mise au rôle du dossier. Le débiteur également car aucune indemnité de procédure ne peut lui être réclamée, de même que des droits d’enregistrement.

Sauf si le débiteur conteste, les frais de procédure exposés par l’huissier seront ajoutés à la dette à payer par le débiteur. Vous devez cependant les avancer et handicaper encore un peu plus votre trésorerie.

Les honoraires de l’avocat avoisinent, pour les créances de faible montant, souvent entre dent et trois cents euros hors taxes. Ils sont réclamés au débiteur par l’intermédiaire des frais de recouvrement, souvent limités à dix pourcent de la dette, soit dans notre exemple cent cinquante euros.

Vous avez aussi droit à l’indemnité de quarante euros à titre de frais de recouvrement prévu par la loi du 2 août 2002.

Certains avocats proposent des systèmes d’abonnement si votre portefeuille client est régulièrement composé de petites créances impayées.

En comparant, par la voie classique, les tarifs des actes de l’huissier à avancer sont les suivants :

  • Frais de citation : 161,49 EUR
  • Indemnité pour fonds de financement de l’aide juridique : 20 EUR
  • Mise au rôle : 100 EUR
  • Honoraires de l’avocat : 433 EUR (minimum TVAC)

Soit un total de : 714,49 EUR.

Dans la procédure sommaire ou extrajudiciaire, les montant à avancer sont :

  • Avocat : honoraires liés à l’intervention : 200 EUR TVAC
  • Huissier : sommation de payer : 149,40 EUR
  • Huissier : procès-verbal de non-contestation : 87,82 EUR

Soit un total de : 437, 42 EUR.

Si le débiteur paie pas il est nécessaire de procéder à une exécution forcée classique, hors frais de vente. Vous devrez avancer à nouveaux les frais de cette procédure :

  • Signification avec commandement de payer : 176,47 EUR
  • Itératif-commandement : 247,69 EUR
  • Procès-verbal d’apposition de placards : 202,39 EUR
  • Droit de perception final : 27,41 EUR

Soit un total de : 653,96 EUR

 

4. Conclusion

Plus vous tardez à entamer une procédure de récupération de créance, plus celle-ci devient incertaine voir irrecouvrable.

Ces deux procédures simplifiées doivent concerner des dossiers simples de créances non contestées, dont l’enjeu financier est limité.  A contrario, quand votre sentiment est que le débiteur se défendra, même de mauvaise foi, il est préférable de se tourner directement vers les juridictions de fonds, comme le tribunal de l’entreprise, afin de ne pas perdre de temps et d’argent.

 

Jean Pierre RIQUET

Juriste fiscaliste
Professeur associé Ephec

04 III 22

Disclaimer  Le présent article n’est pas un avis ou une consultation mais une simple information. L’auteur et la rédaction veillent à la qualité, l’actualité et la fiabilité des informations lesquelles ne sauraient toutefois engager leurs responsabilités.

 

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